Des parents qui élèvent délibérément leur progéniture à même le sol, d’étranges promeneurs parcourant au printemps et au début de l’été les mornes étendues des cultures industrielles, avec jumelles, carnets, crayons, et autres accessoires tous terrains. Les seconds à la recherche des premiers. Et aussi des monstres mécaniques prêts à avaler tout crus de fragiles oisillons. Etrange histoire à première vue, que l’on n’écrira pas à la plume.
Début 2022, la Biocoop et les biocoopains lancent un appel à projet pour des actions concourant à la défense de l’environnement. Trois associations vont répondre, deux seront retenues en juin de la même année, dont ATENA78. Celle-ci œuvre depuis 2009 entre la forêt de Rambouillet, la Mauldre et la Vaucouleurs pour la connaissance et la protection de la vie sauvage : les oiseaux, avec notamment la chouette effraie, mais aussi les chauves-souris et les batraciens (crapaud, grenouilles, tritons, salamandres). Parmi ses activités, depuis cinq ans, il y a la participation à la protection du busard Saint Martin.
Un bien beau rapace en vérité, le busard Saint Martin, relativement présent en France mais aussi jusqu’en Russie et en Finlande. Monsieur essentiellement blanc, avec le bout des ailes noirs, madame, plus grande que monsieur, avec un plumage plus gris et un croupion blanc bien marqué. On peut les voir chasser volant, au ras des cultures avec leurs rapides changements de direction, à la recherche du rongeur ou autre petit animal dont ils se nourrissent. Seulement voilà, ils nichent au sol et le plus souvent dans les champs de céréales, et la vie de leurs petits s’en trouve bien périlleuse. Il faut dire que le recul des friches et autres zones sauvages dans les régions de grandes cultures comme la nôtre ne leur laisse pas trop le choix. La couvaison dure 30 jours et l’envol a lieu environ quarante jours plus tard. Or les champs sont souvent prêts à moissonner alors que les jeunes sont encore au nid, et comme l’on se doute la moissonneuse batteuse ne fait pas de différence entre poussin, jeune oiseau ou épis : elle avale tout. Les promeneurs aux jumelles dans lesquels vous aurez reconnu les membres de l’association ATENA78 s’efforcent donc, bien avant que la rencontre fatale n’ait lieu, de repérer avec de patientes et répétées observations les nids dans les champs. Mais comment repère-t-on des nids si peu visibles ? En observant le comportement des parents, le vol pour accéder au nid ou y apporter de la nourriture se distinguant nettement du vol de chasse (du moins pour un observateur averti). Il faut ensuite informer de cette présence l’agriculteur concerné, obtenir son accord pour localiser précisément le (ou les) nid, puis aller mettre en place une protection autour de celui-ci afin, le moment venu, que les oiseaux affolés par l’approche de la moissonneuse ne se dispersent dans le champ et ne se fassent avaler par la machine. Le conducteur de celle-ci, dûment renseigné laissera en place un « îlot » de céréales autour du nid. Tout cela, on s’en doute, demande du savoir-faire et un comportement respectueux vis-à-vis des agriculteurs, car tout est soumis à leur bonne volonté, et beaucoup de temps et de disponibilité aux bénévoles d’ATENA78. Pour gagner en temps et en précision, l’outil précieux, c’est le drone, qui évite l’approche du nid à pied à travers le champ. Les busards y gagnent aussi en sécurité : la trace physique et olfactive laissée par l’humain peut toujours être suivie par un prédateur (renard, sanglier) jusqu’au nid. L’acquisition de cet outil était précisément le projet soumis par ATENA78 et sélectionné par la Biocoop du Mantois et les Biocoopains (après l’obtention d’un premier drone offert par Nature et Découverte).
C’est ainsi qu’après un exposé en salle le 15 mai 2023, nous nous sommes retrouvés ce matin du 17 juin dans les champs, du côté de Thoiry avec Roland Trousseau d’ATENA78, pour observer ces fameux rapaces. Et nous en vîmes plusieurs volant et chassant. Un grand merci donc à ATENA78 pour ces beaux moments de découverte des busards Saint Martin et de quelques autres animaux, car même dans cet environnement assez peu accueillant la vie sauvage existe et s’exprime.
Article rédigé par Jacques Boutet – Merci à lui !
Raimbault
Très bel article où l’on comprend bien la vie périlleuse des oisillons… heureusement que les bénévoles sont là pour leur préservation et que les agriculteurs se laissent convaincre du bien fondé de leur geste . Merci aux biocoopains et Athènes 78